C’est toi, Paulo, qui l’a installée la culotte sur les robinets de la salle de bains?
Non, enfin oui, je sais, j’ai été excessif, c’était une mise en scène, j’ai été troublé par la beauté de la composition. Je ne savais plus que faire. Après tout j’ai bien le droit à l’hésitation. Je n’admire pas les artistes qui ont des certitudes. Quand je les vois arriver trompette en bouche, je me ratatine, c’est vrai aussi que la musique, enfin le bruit me dérange beaucoup, la fumée des cigares aussi. Il n’y a pas de rapport entre les deux, mais c’est ainsi.
J’ai choisi des sujets qui incitent à la prudence ou tout au moins comme je l’ai dit souvent à l’incertitude de ce qui peut arriver en les examinant. La liberté est devenue si insolite que rien que le fait d’en parler provoque une paralysie quasiment générale de votre interlocuteur. J’en arrive à croire que le mot n’est même plus très exactement entendu.
A cause de mes charmantes occupations, il faut être vigilant sinon le « curator » du coin vous retourne comme une peau de lapin et forcement avoir le poil à l’intérieur ne vous protège de rien du tout. A la réflexion je ne sais pas si ma comparaison est bonne et ce serait trop de travail d’en chercher une autre, alors je vais conserver celle-ci.
L’originalité du sujet est loin d’être indispensable aux spécialistes, ce qui importe c’est la catégorie dans laquelle ils vont décider de ranger la fine production. Et là c’est un sacré travail pour l’inventer et surtout qu’elle ne ressemble pas trop à celle du voisin. Ensuite on va vous raconter que tout ça explique comment l’art s’agite pour produire tant de diversité et faire des bonds parfois en arrière, parfois en avant. Il est gamin l’art de sauter dans tous les sens !
Je sais, eux, ils préfèrent le rendre bien chiant, plus c’est chiant, plus ça leur monte à la tête. Tient, je n’y avais pas encore pensé à celle-là, elle va leur faire plaisir si jamais ils me lisent, je vais me faire encore quelques amis supplémentaires.
Continuons, les écoles des beaux-arts, c’est déjà assez drôle comme plan d’études, mais dans le genre comique il y a encore beaucoup plus rigolo, ce sont les écoles de photographies.
Parmi les choses dont je me suis beaucoup occupé, il y a certes le paysage et beaucoup utilisée la photographie. Ils ont essayé de me coincer avec l’un et avec l’autre sans, jusqu’à ce jour, arrivé à me faire entrer dans la boîte. Ces amours bien vulgaires pour le médium conduisent à des situations curieuses, photographe qu’est ce que c’est ?
On m’interroge parfois sur ce qu’on voit sur mes photographies. Par exemple sur le torse de l’Aphrodite de Cnide, où figure une grappe de fruits de l’Ailanthus altissima Swingl. Comment voulez-vous que je réponde à des questions pareilles ! Je l’ai mis un point c’est tout. J’étais à Sète, et mon Aphrodite, je l’avais dénichée dans le grenier de la Villa St. Clair. Je l’avais descendue sur la terrasse pour lui faire prendre un peu l’air à mon joli plâtre. Après Praxitèle c’était difficile de faire l’artiste, je n’allais pourtant pas lui ajouter une fente sur le Mont Chauve. J’étais bien agacé. Et comme il avait fait grand vent et que je n’avais pas tué six loups, j’ai ramassé cette grappe que je lui ai installée entre les jambes, j’avais même arrangé un petit ventilateur pour qu’elle ait moins chaud et agiter la verdure. Quand je l’ai vidéographiée ma déesse, l’effet était bien gracieux. La vidéo, je ne sais plus où elle se trouve ce qui n’a strictement aucune importance. Il ne s’y passe rien et il n’y a pas de musique pour vous distraire l’oreille, c’est la vidéo d’un courant d’air.
J’aime bien le progrès, sans lui vous n’auriez jamais pu voir ma main toucher le modèle, je serais encore en train d’essayer de la peindre tenant celle de Pernilla ou de Sophie. Dans le toucher du modèle, j’ai eu des prédécesseurs, bien que quelques fois ce soit lui qui se touche tout seul. Il a eu de la chance Tiziano de voir Vénus la main entre les jambes, c’étais autre chose que mon plâtre sur la terrasse.
En trois lignes, je viens de parler de la photographie, de la peinture, de la sculpture et de la vidéographie, alors ne venez pas chercher à savoir laquelle je préfère, les outils, je les prends généralement pour ce qu’ils sont, je m’en fous de connaître la marque des pinceaux de Tiziano.
Vous voyez, l’art tient à peu de chose, aujourd’hui je suis tout émoustillé de la retrouver ma déesse, elle n’a pas pris une ride et elle a quelques rapports avec la mécanique des fluides. Forcément elle est née de l’écume de la mer, moi je veux bien, c’est assez surprenant, mais avec les déesses on doit s’attendre à tout y compris que les rose ressemblent à autre chose que des roses.