Les aléas d’internet vous ont privé de ses savoureuses réflexions. Les voici avec un peu de retard, ce sera à vous de les remettre à la place qui est la leur !
Tu aimes bien faire l’imbécile ?
Oui, oui, « faire » comme tu dis.
J’apprécie beaucoup le proverbe chinois qui dit que l’imbécile regarde le doigt qui montre la lune, moi aussi, je préfère le doigt, la lune je m’en fous, c’est trop loin, alors que le doigt….
Quand tu t’y mets tu es imbattable. Parle-moi d’art, tes histoires de doigts, je vois trop bien où tu veux en venir.
L’art n’a pas plus disparu que la mer sur la plage, il perdure malgré les comportements intempestifs d’une société qui rêve sa mise au pas et qui n’hésite devant aucun moyen pour y parvenir. Elle, qui a privilégié la poudre aux yeux, l’agitation fébrile et le batelage ne pouvait que lui porter les coups les plus vicieux. Les artistes n’ont rien vu venir ou n’ont pas voulu voir la mise en place d’un système de marchandisation dont ils ont sans doute espéré profiter alors que son seul but était la rentabilisation financière des institutions culturelles. J’ai précédemment émis des doutes sur cette conception qui ne respectait ni la liberté d’accès des individus à l’information, ni celle de l’art. Concernant la première, je critiquais l’ensemble de l’enseignement donné dans les écoles et pour la seconde la main mise des commissaires sur les expositions sans oublier les coups fourrés dans le genre des poursuites engagées contre les organisateurs de la manifestation bordelaise intitulée Présumés innocents. Là il semble qu’ils soient allés un peu loin et qu’ils vous ont réveillés. Je n’appelle pas à faire sauter l’édifice, il s’écroulera bien assez vite tout seul, mais dans le silence assourdissant de l’acceptation moutonnière des contraintes qui se font lourdes on aimerait bien entendre les quelques sons qui, sans être obligatoirement ceux du canon, prouveraient que nous existons encore. Encore un petit effort.
Tout n’est pas perdu, mais à force de faire le jeu de ce qui nous détruit, la reconquête des territoires perdus devient de plus en plus difficile. A vouloir vivre des institutions, on en devient le valet, à flatter outrageusement ceux qui organisent votre vie on perd sa liberté. Il faut choisir, mes chers collègues, à force de lécher la main qui vous nourrit d’une soupe insipide, on perd ses dents.
Je connais par cœur ce que vous allez dire, que la vie est difficile et qu’il faut profiter de ce qui vous est offert. Profiter tant que vous voulez, mais ne faites pas le jeu de ceux qui n’ont qu’un objectif celui de nous domestiquer. Faites gaffe mes mignons, vous allez vous retrouver avec un gilet rayé sans même vous en apercevoir. Nous allons reprendre le chemin des interdits absolus et pour bientôt la recommandation salvatrice placardée à l’entrée de nos expositions :
NE LAISSER NI À LA PORTÉE, NI À LA VUE DES ENFANTS
RÉSPECTER LES DOSES PRESCRITES
A force d’accepter les susucres on finit avec les dents pourries… Je vous suis sur cette voie, faudra-t-il, un jour, réintroduire des artistes d’élevage en milieu naturel?