Pardonnez-moi j’étais en train de faire un cauchemar. J’avais 12 ans et c’était la rentrée.
Ouf ça va mieux, j’ai arrangé ma vie autrement, je ne rentre plus, je reste constamment dehors. Je redoute pourtant d’entendre encore et encore les abrutis me parler de travail. Je me suis absenté, j’adore cette expression sans bien savoir comment il faut procéder pour arriver à être absent, enfin je n’étais pas là où je me trouve d’habitude. J’en ai profité, j’ai fini mes pages d’écriture pour mon prochain livre et j’ai consacré le reste du temps aux Menstrues de la déesse sur la plage et vous n’allez pas y couper, je vais vous en entretenir car il s’en est fallu d’un grain de sable que je passe à côté de ce que j’aurais dû voir depuis longtemps…
Interruption de Tenebria
Tes cris m’ont fait peur et je ne comprends rien à ce que tu racontes. En lisant par-dessus ton épaule, je crains que tu n’enfourches à nouveau ton dada et que tu nous parles encore de tes histoires de menstrues. Depuis 1994 …
15 ans ne sont presque rien pour traiter un sujet pareil et celles qui m’y ont accompagné l’ont enrichi en m’éclairant, Martine, Odile, Connie, Bénédicte, Laurence, sans elles mon évocation n’aurait jamais pris son envol…
Bon, n’exagère pas, laisse l’envol aux oiseaux, reviens sur terre, tes menstrues de la déesse sur la plage, tu m’en avais parlé avant ton départ et j’avais cru comprendre que tu avais quelques amis à qui tu avais épargné ta célébration jusqu’à ce jour et à qui tu voulais l’offrir, mais tu me sembles bien excité tout d’un coup…
Tu peux le dire, laisse moi le temps de t’expliquer. 1968 marque le début de mes observations écotoniques et 1972 est la date de mon exposition Approche descriptive d’une plage, dans la publication l’accompagnant, je mentionne Rosa rugosa Thunb. Les petites filles attiraient déjà mes regards un peu hors des sentiers de la Botanique, c’est aujourd’hui l’excuse que je me trouve.
Continue au lieu de te chercher des excuses.
Je vois que toi aussi tu n’as pas saisi le rapprochement qui s’impose entre la fleur et son descripteur, le botaniste Carl Peter Thunberg l’élève de Linné qui séjourna au Japon et rédigea une Flora japonica en 1784…
Revient, Paulo, tu es retombé dans tes sciences, maintenant tu es artiste, tu devrais le savoir depuis le temps !
C’est la même chose et j’aurais dû y penser, faire le rapprochement, j’ai été victime de l’exotisme en tant que banalité et pourtant je le savais que cette Rosa venait de l’extrême Est de l’Asie. Je suis passé plusieurs fois à côté de l’affaire, comme le jour où j’ai jeté ses pétales sur une grille que j’avais tracée sur le sable ou encore celui de la confection d’un somptueux triangle que j’aurais pu t’offrir par exemple…
Sans façon, je te vois venir avec ton triangle de pétales. Pourquoi t’inquiètes-tu et quel est le rapport avec les menstrues ?
J’aurais pu être déshonoré si jamais quelqu’un s’en était aperçu. J’ai été à un doigt d’aller acheter des roses chez un fleuriste alors qu’elle était là ma fleur Japonaise.
Rassure-toi, mon cher Paulo, personne ne s’en serait aperçu et tout le monde s’en fout !
Tu crois ?
Ah, me voilà rassuré. Il n’empêche qu’après l’apothéose avec Tomoko à Paris, les menstrues au Nord avec une rose Japonaise nommée par un élève de Linné le tout sur la plage qui vit naître mes Contributions à l’étude des lieux restreints, je reste persuadé que cette perfection dans la suite de rapprochements était nécessaire à la rigueur de mon œuvre.
La prochaine fois, tu me la montreras ta jolie rose Japonaise ?