Chronique de
Tenebria Lupa
Critique et historienne d’Art Etrusque
Le titre m’avait tout de suite enchanté quand je l’ai entendu. Dans un premier temps, je n’avais pas très bien discerné la liaison, le zin entre tion et time, j’ai une excuse je suis étrangère en ce pays. Un peu plus tard, fouillant dans les paperasses de Paulo, je suis tombé sur le communiqué de presse et là la lecture du titre, m’informant sans ambiguïté de la pluralité de ces conversations autant que de leur intimité, fit monter mon enthousiasme d’un cran et je me mis à rêver de doux murmures voire de soupirs langoureux ou de bruits d’étoffes froissées.
Certes la boîte à lettres choisie pour illustrer le communiqué et le carton d’invitation m’inquiéta. Si les missives qu’elle peut recevoir sont parfois intimes, son espace intérieur est celui du mélange des genres et provoque sans doute des rencontres qui ne sauraient être l’image de l’intime. Sa couleur jaune, sa fente horizontale noire, l’affichage des heures de sa levée ne me semblait pas de bon augure. Quant à la liste d’artistes conviés à converser intimement, j’attendais de voir l’exposition pour me faire une idée.
Dans cette attente je me penchais sur la liste et y trouvais la présence de 11 femmes sur 31 participants. Ce tiers me chagrina ainsi que quelques absences. Pourquoi n’y trouvait-on pas Sophie Calle, Béatrice Cussol, Mahki Xenakis, Nancy Spirro, Nan Golding, Sally Mann, Louise Bourgeois, Orlan, toutes grandes exploratrices de l’intime ?
Enfin le 18 juin arriva, la date choisie ne fut pas pour me déplaire et je me précipitais à Beauvais. Hélas l’intime n’occupait pas la place que j’avais espérée. Bien peu d’œuvres répondaient à ce que le titre laissait espérer. L’intime ne se laisse pas capturé facilement et quelques images inspirées par la publicité, quelques textes ennuyeux ou l’exhibition de sous vêtements masculins sont bien loin de pouvoir l’évoquer. On pouvait toute fois le trouver dans une écriture d’Isabelle Lévénez ou dans les « Trophées » de Ghislaine Portalis.
Il n’y a pas de catalogue ce qui ne pouvait que me plaire, mais un livre « Vivre l’intime » (Ed. Thalia) qui n’est pas tout à fait un savoir vivre. C’est une suite de réflexions au cours desquelles chaque auteur tire à lui le beau sujet. Le parcourant j’y appris que Paulo n’avait pas voulu que son texte soit corrigé. Je me demandais qu’elles sottises il avait bien pu écrire pour mériter ce châtiment, le connaissant bien, je l’imaginais mal réclamant le martinet. Ce que j’appris alors vaut la peine d’être conté.
Il avait remis son texte à l’éditeur parsemé comme d’habitude de quelques fautes d’orthographe quand une Dame Lièvre (une hase sans doute) s’intitulant correctrice le lui renvoya agrémenté de nombreuses modifications. Elle était culottée la Dame, pas du tout le genre Lièvre de Mars que rencontra la belle Alice. Elle voulait ajouter du savoir à la dissertation de Paulo. Elle prenait les futurs lecteurs pour des idiots, elle tenait à mettre Paul, Gustave et Marcel devant Cézanne, Courbet et Duchamp. Elle préférait Actéon rustre plutôt que fruste. Elle aurait réécrit Céline si elle en avait eu l’occasion, désenivré le bateau d’Arthur, rendu lisse comme un galet la poésie de Perret (Benjamin) ou coupé les cordes vocales à celle de Bernard Heidsieck. Amen !
Malgré l’engagement des organisatrices qui bravent avec courage le lourd climat en train de s’installer, cette exposition reste à faire.
bel eter
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et de chaleureuses pensées
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