Bernard Heidsieck

Turid et Bernard

N’attendez pas de moi un parcours chronologique ni une suite d’anecdotes, je ne suis pas historien et je redoute les souvenirs plus ou moins arrangés. Si nous nous sommes rencontrés, c’était normal en raison d’intérêts et de goûts qui ne pouvaient que nous rapprocher.

Il faut rendre grâce à Bernard Heidsieck d’avoir avec une indéfectible énergie, sortie la poésie des pages sur lesquelles elle se vautrait en générant un ennui profond. Nous lui sommes redevables du beau nom de « Poésie Action » qui à lui seul nous indique de quoi il s’agit et qu’il inventa pour distinguer ce qu’il entreprenait de la très vague appellation de Poésie Sonore.

Aucune confusion possible avec tous les borborygmes qui ont allégrement proliféré ni avec les déchaînements d’une logorrhée que rien ne semble devoir endiguer encore aujourd’hui. Cette poésie debout m’a séduit dès les années 60, séduit et étonné tant elle courait loin devant ce qui se donnait alors à lire plus qu’à entendre. Une poésie sensuelle quant il s’agissait de Ton pouls ou ne négligeant rien d’un monde peu habitué à flirter avec elle comme celui de la banque. C’est vrai que Lautréamont nous avait dit que la poésie devait être faite par tous, mais bien peu l’avait entendu.

Quelque soit le sujet nous étions loin des voix sépulcrales que les poètes se croyaient obligés de prendre pour nous débiter des vers qui n’auraient, excusez le jeu de mots, jamais dû sortir de la tombe. Les lacs pouvaient dormir tranquilles et les océans engloutir tous les marins qu’ils voulaient, Bernard Heidsieck disait et nous répétait « Elle lui tendit son ticket de métro ».

J’ai parlé de normalité pour évoquer notre rencontre au début de années 60, d’abord grâce aux 45 tours de la Revue Cinquième Saison d’Henri Chopin où il voisinait avec Raoul Hausmann et Brion Gysin, puis lors de soirées au cours desquelles les poètes se manifestaient. L’amitié s’instaura entre nous et en 1964 nous éditâmes, avec Gianni Bertini, son B2 B3. En 1965, en raison de mon vif intérêt pour ces insectes, il me dédia « Coléoptères and Co » qu’il eut l’idée d’organiser, en ce qu’ils appelleraient aujourd’hui (hélas !) une performance, pour une représentation au Théâtre 102 de la Maison de la Radio. Encore une fois la poésie était en avance !

Les choses, si on peut parler de choses quand il s’agit de poésie, mais après tout pourquoi pas, sur ce canevas de l’amitié se brodèrent maintes fleurs, mais aussi des heures passées ensemble consacrées à la dégustation des fruits de la mer pour qui nous éprouvons une passion commune. Je vous avais bien dit que notre rencontre était normale.

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