TL – Tu racontes des drôles de choses et j’ai l’impression que tu mélanges un peu tout, les sciences et les arts, à la fin ça devient difficile de savoir où tu nous emmènes.
PA – Mais je n’emmène personne nulle part, je ne suis pas une agence de tourisme. Tu sais très bien que je préfère rapprocher ce qui n’est pas très éloigné, la main de ce qu’elle va toucher, de ce qu’elle ne touche pas encore et que dans le moment suivant elle touchera. Par rapport aux grecques j’ai fait des progrès dans ce domaine. Quant aux sciences et aux arts, c’était bien artificiel de les séparer, bien stupide aussi, c’était pour nous faire croire que d’un côté se trouvait le plus grand sérieux et de l’autre la fantaisie la plus débridée alors que c’est tout pareil, des inventions très simples pour passer son temps de la manière la plus agréable qui soit dans un cas comme dans l’autre.
TL – Ben mon colon, tu n’y vas pas avec le dos de la cuillère, ça ne va plaire à personne tes théories à la noix. Moi je veux bien te croire, je vois à peu près de quoi il s’agit, je vis à tes côtés et je me suis faite à ce que les fleurs soient le sexe des plantes et que les diagrammes de Zingg soient une belle expression de l’abstraction et qu’à côté les artistes se sont plantés même quand ils disaient qu’elle était lyrique. Seulement, je te signale que les pékins du coin, ils tirent drôlement la gueule devant tes propositions, tu as beau parler de poésie, il ne la trouve pas du tout poétique ta poésie et tu n’arranges rien quand tu dis que tu t’en fous. Moi, je te voyais bien en tour operateur en train de les convaincre de rester sur place ou de faire comme Watteau avec son embarquement, j’ai mis du temps pour comprendre pourquoi tu l’aimais, ce qu’il nous montre ne se situe jamais très loin, il est comme toi, pour lui Cythère on ne sait jamais si on y arrivera.
PA – Le temps passe et moi je reste dans mes incertitudes. Le problème n’est pas de faire quelque chose mais de vous montrer le résultat ce qui est d’un tout autre registre. Depuis le début, j’ai décidé de ne pas faire confiance aux montreurs d’ours…
TL – C’est comme ça que tu appelles ce que tu fais, tes ourses ?
PA – Non, c’est une image, j’aurais dû dire commissaire ou currator, enfin je voulais parler de ceux qui n’osant pas être artiste tripotent les œuvres des autres.
TL – Si je comprends bien, tu prônes la liberté du modèle et pas celle du commissaire ?
PA – Oups ! Elle est bonne celle-là, c’est la première fois que tu me la sors.
TL – Ne te fâche pas, je sais qu’il y a quelques années tu avais piqué une crise quand un philosophe à la con faisait parler L’esprit de notre temps de ton copain Raoul dans une exposition au beau bourg qu’à l’égal du « naturel » tu n’as jamais trouvé si beau que ça.
PA – Ah, je te retrouve, c’est bien ça, il ne s’agit pas de restreindre la liberté, ce qui me dérange c’est de vouloir imposer aux autres sa manière de voir, la proposer je veux bien, le reste me hérisse le poil.
TL – Tu dois être mignon avec tes cheveux dressés sur la tête.
PA – Tu es en forme ce matin, mon étrusque adorée.
TL – Le « mon » est peut-être en trop, je ne suis pas à toi, mais à moi…
PA – Toi et moi on forme un joli couple, en avant la musique zim badaboum !
TL – Tu ne crois pas que le « badaboum » est un peu excessif ?