Le cri du jour!

Depuis quelques années on parle beaucoup du fugace, de l’éphémère, de la disparition et moi même, enfin ma pratique de l’art, se voit souvent rangée dans ces catégories. Je n’y vois aucun inconvénient en précisant toutefois que tout n’est qu’une question de point de vue et que cela est relatif par rapport à la conception que nous avons du temps et au fait que nous dotons ce que nous considérons comme des produits le l’art d’une pérennité tout à fait illusoire. Ne serait ce pas là une attitude rassurante qui nous pousse d’ailleurs aux pires excès tant est grand notre goût pour la préservation des choses.
A partir du moment où j’ai employé des médiums tels que les sucs de certains fruits, j’étais bien conscient de la fragilité de leur existence sans y attacher une autre importance de celle du contraste qu’ils établissaient par rapport à la stabilité un peu plus longue que d’autres comme les oxydes de fer par exemple (de quelque semaines pour les premiers à quelques millénaires pour les second) comme on pouvait les voir employés conjointement dans mon exposition In natura rerum au musée des beaux arts de Nantes en 1996. Si cette question de la fugacité des œuvres se trouve posée aujourd’hui avec tant d’insistance ne serait ce pas à cause de leur extrême marchandisation. On ne voudrait pas payer l’art pour peu de temps ni considérer le phénomène plus que ce qu’il engendre. Je m’interroge souvent pour savoir si je suis vraiment satisfait de voir un tableau repeint par trois ou quatre générations de restaurateurs le cochonnant allègrement.
Bien sûr, si j’avais raison, l’existence matériel de l’artiste serait encore plus précaire qu’elle n’est, mais quel surcroît de panache pour l’amateur conviant à la contemplation de ce qu’il possède en l’assortissant de ce conseil « dépêchez vous car tout va bientôt disparaître ! »
Etre artiste deviendrait enfin un métier dangereux, le problème des réserves des musées se trouverait résolu et la courte vie des chefs d‘œuvres un facteur de valeur ajouté car pour les voir le collectionneur devrait les acheter vite. L’esprit (sic) du temps serait satisfait, n’est ce pas celui de la vitesse, alors vive l’art disparaissant vite !

TL – Tu manges du cheval Paulo ?