En cette année du tricentenaire de la naissance de Carl von Linné (1707-1778) on discute du bien fondé de son système basé sur l’anatomie des fleurs alors que la question n’est pas là mais bien du côté du sexe et des noms. Le pape Clément XIII interdisant l’enseignement de la méthode linnéenne dans les collèges ne s’y trompait pas, il avait bien compris qu’inciter les adolescents à plonger dans le sexe, serait-ce celui des plantes, allait les inciter à étendre le champ de leurs observations. Bon, après tout je ne cherche pas d’excuse, je suis du côté de la logique. Ce n’est pas pour rien que je suis un fervent admirateur de Lewis Carroll. L’exhibition sexuelle que constitue toute fleur m’a incitée à les toucher et les mettre en rapport avec le sexe féminin (voir du côté des pétales de rose sur le pubis de certains de mes modèles et plus tard les sucs en contact avec les seins dans les essais de coloriage, avec la vulve dans les menstrues de la déesse), fleurs et fruits ont bien évidemment une connotation sexuelle, il suffit de lire un traité de Botanique pour en être persuadé, le vocabulaire en est fort évocateur. Dans le genre, je ne connais rien de plus précis que les descriptions anatomiques que Sébastien Vaillant nous a laissées.
Jalapa – Jalap ou Belle de nuit.
Les fleurs de la Belle de nuit sont éparpillées à la sommité de la tige et des branches. Chaque fleur pourrait être comparée à une trompette parlante, vu que c’est un tuyau dont le bas forme un bocal et que le tout est un large pavillon régulier. Ce pavillon est plissé selon sa longueur et légèrement découpé par le bord. Le calice de cette fleur est ordinairement fendu en cinq parties. De son fond s’élève un ovaire qui s’emboîte dans le bocal de la trompette, où venant à grossir, il se colle si fortement aux parois de ce bocal qu’il ne fait plus qu’un corps avec lui. Ce corps devient une capsule monosperme, solide, ovale, ou presque sphérique. (in Sébastien Vaillant – De l’établissement de nouveaux caractères des plantes – 1721).
Jean-Jacques, dans Les rêveries d’un promeneur solitaire, recommande à sa « cousine » de prendre son verre (sa loupe) pour se livrer à l’observation des fleurs et sans aucunement me comparer au Genevoix, je rappellerais qu’avec Mireille je m’entretenais, entre autres choses, de Botanique. L’habitude bien ancrée d’offrir des fleurs aux femmes n’est pas un effet du hasard, la fleur est avant tout le sexe de la plante, que personne ne l’envisage de cette façon n’y change rien. En réunissant un toucher de fleur à un toucher de vulve, je ne montre que deux touchers de sexes qui constituent ce que j’appellerais volontiers une cinématographie comparative. Ces propositions ont une haute valeur pédagogique, elles effacent des différences sans pour autant nuire aux caractéristiques des espèces. Elles inciteront le regardeur à refaire le tableau si l’envie lui en prend, mais aussi à l’inspirer dans la civilité de ses comportements. Donner son image n’est pas donner son corps, je veux bien, mais pourquoi cette obsession du don ? La liberté n’y trouve pas son compte et l’art n’a pas à s’occuper de ce genre de coutume. On voit bien où la morale religieuse voulait en venir, on voit bien aussi qu’elle n’est pas arrivée à ses fins, même si son empreinte est triplement présente dans l’hypocrisie des attitudes, dans le mépris latent envers le sexe féminin et dans un sentiment de culpabilité vis-à-vis de lui. C’est bien alors que je ne suis pas satisfait et que je me heurte à la censure qu’elle soit officielle ou larvée. Les Français constituent un peuple versatile, souvent liberticide, malheureusement je n’aime pas le bleu.
Tiens, depuis tout à l’heure que je remonte vos promenades avec Audrey, j’avais justement les promenades de R. qui me revenaient faiblement à l’esprit. D’où me vient cette envie soudaine d’aller renifler des fleurs?